Visions nocturnes [Valde]

Maître des Draknars Messages : 139 Date d'inscription : 07/08/2009

C'était une jeune femme. Une jeune femme aux boucles parfaitement dessinées, aux traits fins, aux yeux dans lesquels se lisaient douceur et maturité, quoi qu'une légère lueur enfantine trônait dans ces pupilles magnifiques. Elle n'était pas seule, mais l'autre femme n'importait que peu, en réalité. Son rire en cascade dévoilait une voix superbe, claire, et son sourire était tout simplement... Adorable. La demoiselle s'entretenait avec une de ses servantes au sujet d'une soirée qu'elles avaient organisée, l'une des rares fêtes qui avaient lieu sous l'eau, à vrai dire... Mais le sujet abordé ne l'intéressait pas non plus. Il se contentait de la regarder, elle, de la détailler, encore et encore, de mémoriser à nouveau chacun de ses traits, chacune de ses expressions, chacun de ses regards, même s'il savait bien qu'ils ne lui étaient pas adressés... Pourtant, il l'aurait tellement désiré...

Ouvrant les paupières, mes yeux se posèrent sur le premier point lumineux qui se présentait, la lune. Elle était pleine cette nuit là, se reflétait dans l'eau claire du lac, éclairait tout ce qui m'entourait, et donnait à mon visage une pâleur peu habituelle. Ou peut-être n'était-ce pas l'astre qui faisait cela... Ma main, immobile dans l'eau, d'une froideur sans pareille jusqu'au poignet, me faisait souffrir. Mes doigts engourdis ne demandaient qu'un simple mouvement, et pourtant, je ne voulais pas faire un seul geste. Je n'en avais pas envie. Je restais là, allongé contre le bord de l'eau, mon bras pendant dans la lac, encore à moitié dans ce que je venais de quitter. Un profond soupir franchit mes lèvres, et la tristesse était notable dans mon regard. La voir ainsi me faisait chaud au cœur, mais devoir revenir à ce qui m'entourait me faisait de plus en plus mal... J'avais besoin d'elle...

Un sentiment de vide naissait en moi tandis que je me relevais avec difficulté, mes cheveux auburn tombant devant mes yeux marine. Saisissant la chemise qui trainait à mes côtés, je la posai simplement sur mes épaules, puis croisai les bras sur mes jambes, assis en tailleur. Détaillant un peu autour de moi, je finis par reposer mon regard sur la surface de l'eau, déglutissant avec peine. J'avais l'impression qu'un étau enserrait ma poitrine. Peut-être que je n'aurais pas du... Me relever en pleine nuit, juste pour la voir quelques instants. J'étais fou... Et totalement dépendant. Mais je devais arrêter ça, ce n'étais pas bon pour moi.

Restant posé comme ça, je cherchais à me changer les idées en me repassant en tête ce qui s'était passé dans la journée. Rien de bien différent des autres jours, mais au moins ça m'occuperait un moment. De fil en aiguille, je finis par repenser au travail qui m'attendait le lendemain. Papiers, papiers, audiences, rencontres... Et comme à chaque fois, sa visite.... Me laissant tomber dans l'herbe humidifiée par l'air ambiant, ma peau naturellement chaude régissant à la froideur des gouttelettes, je posai mon avant-bras sur mon front, puis fermai les yeux un court instant. J'étais vraiment, vraiment grave... Il fallait que je fasse quelque chose. Quoi ? Aucune idée, mais il fallait que j'agisse...

Je fus tiré de mes pensées par un bruit de pas qui ne m'était pas inconnu. Je retenais facilement ce genre de chose, et je n'aurai confondu celui là avec aucun autre, j'étais trop habitué à l'entendre. En revanche, je n'aurai su dire depuis quand il était là... Un seul nom fut prononcé à cet instant, et ce, comme un simple souffle...

-Valde...

La demeure du dragon d'argent était un lieu fascinant sans toute l'activité de la journée, le calme donnait un nouvel aspect à cette demeure et révélait sa réelle beauté que les allées et venues de chaque journée ne permettaient de contempler en toute paix. La nuit tombée, les lueurs de l'astre lunaire baignaient les lieux d'une lueur argentée; était-ce pour cette raison qu'ils portaient ce nom ? La réponse à cette question ne pouvait être résolue que par un homme et un seul, celui que tous Draknar respecte et suivrait jusqu'à la mort, Nihilem Riurik. D'ailleurs, comme chaque soir, le jeune maitre semble vouloir nous fausser compagnie, cela fait déjà pas mal de temps que je suis l'ombre de Riurik et je commence peu à peu à graver en moi l'emploi du temps quasi surbooké de ce dernier : la journée il passe des heures dans les paperasse; je le plains, 26 ans et déjà à la tête de tout un peuple, c'est un bien lourd fardeau qu'il a là, mais il semble s'en accommoder avec une facilité exaspérante, c'était comme s'il avait toujours été fait pour ça. Cependant, comme tout homme il a ses petits secrets, comme chaque nuit il se rend au lac Ekileus et durant des minutes, des heures il observe le fond du lac, sa capacité à voir le présent à travers Ekileus était mise à l'épreuve chaque nuit et lorsqu'il ressortait de sa vision, c'était un visage emplit de tristesse qui observait le décor alentour, c'était comme si là au fond de ce lac se trouvait son bonheur, sa raison d'être, il n'y avait là à ne pas en douter qu'il se plongeait dans le présent pour observer une femme. Je n'ose m'approcher et contempler sa vision, après tout s'il tient à venir seul ici ce n'est pas pour que l'on sache ce qu'il y fait !

Une petite brise soufflât légèrement autour du lac, faisant remuer mes cheveux qui semblaient se fondre à merveille dans le décor, la source de lumière provenait du lac qui réverbérait les rayons de la lune et ainsi donnait une allure d'irréalité à la scène. Certains donneraient cher pour assister à pareil spectacle, tout comme je donnerais cher pour voir la citadelle, la ville blanche, l'océan de saphir, la cité des brumes et j'en passe, le monde est si vaste ! Que toute une vie ne me suffirait pas pour l'explorer, mais même si je le désire, je ne peux laisser derrière moi mon devoir ! Riurik en avait fini avec sa vision et c'était à pas lent que je m'approchai histoire de ne pas troubler son calme. Mais comme toujours il arrivait à me reconnaître, une mémoire peu commune, j'avais beau tout faire, marcher plus lentement, courir, sauter, déposer mon arme plus loin pour alléger mes pas, rien à y faire, il arrivait toujours à me reconnaître, je n'essayai même plus de me faire discret de toute manière il saurait tôt ou tard que m'approchais ! Je m'asseyais près de lui et observait le lac...

- On ne peut rien te cacher ! Je me demande si j'arriverais à te surprendre un jour ou l'autre. Alors, on s'accorde une virée nocturne sans sa fidèle sangsue ? Je dois être bien oppressant non ?

Je ne savais pas trop quoi lui dire, je n'avais pas grand-chose à raconter, mais s'il avait quoi que ce soit sur le cœur ou quand bien même il avait quelque chose en tête j'espérais qu'il m'en touche mot, j'aimerais être un tout petit peu plus qu'un simple garde rapproché, après tout si nous étions voués à passer toute notre vie l'un à côté de l'autre alors autant avoir un tant soit peu d'amitié l'un envers l'autre !

Maître des Draknars Messages : 139 Date d'inscription : 07/08/2009

J'entendis le jeune homme s'assoir à mes côtés, laissant tomber la discrétion qui était inutile avec moi, car quoi qu'il fasse, je sentais sa présence à tout instant. Comme lorsque l'on vous fixe sans cesse, vous sentez le regard de l'autre, comme une brûlure sur votre peau. Là, ce n'était pas le même genre d'impression, mais je m'étais habitué à le voir, et en un sens, quand il n'était pas là, il me manquait quelque chose, quelque chose que je retrouvais quand il s'approchait. Alors bien évidemment, il m'était aisé de savoir s'il était dans le coin ou non...

Le terme de "virée nocturne" me fit prendre conscience de ma dépendance, parce que chaque nuit, je m'éclipsais à un moment ou à un autre pour venir ici. Je pense qu'avec l'habitude, c'était devenu un automatisme, et je ne m'en rendais plus vraiment compte... Je soupirai à nouveau, désespéré... J'étais presque lamentable... Pourquoi est-ce que je ne parvenais pas à l'oublier quelques instants ? Pourquoi ne pouvais-je pas faire fit de toutes ces histoires qui tournaient autour d'elle, et qui me parasitaient à chaque instant, influençaient chacun de mes mouvements, et me faisaient me perdre petit à petit ? C'était sûrement à cause de cette rumeur... Cette stupide rumeur que je n'arrivais pas à envoyer valser, qui me faisait froncer les sourcils de peur de la perdre. Ce n'était pourtant pas mon genre de croire à ce genre de racontar... L'amour vous fais faire bien des folies, c'était une certitude.

Me relevant, la chemise retombant sans un bruit de mes épaules sur le sol, je passais l'une de mes mains dans mes cheveux, remettant un peu d'ordre dans mes mèches, tandis que les doigts de l'autre s'enfonçaient dans l'herbe, me faisant doucement frissonner. Puis, fixant Valde, je lui souris sincèrement, car j'étais plutôt ravi de le voir là. Il était une des seules personnes de mon entourage -mis à part ma sœur, l'un de mes amis et puis elle- qui ne m'insupportai pas, qui ne passait pas son temps à me harceler pour obtenir quelque chose, ou pour que je fasse quelque chose, et cela me faisait vraiment beaucoup de bien.

-Qui sait, peut-être que tu n'y arrivera jamais, mais rien ne t'empêche d'essayer... Ne t'en fais pas, ce n'est pas toi... Juste la présence constante de tous ces vieux grincheux dans mon dos... J'ai besoin de respirer.

Mes conseillers étaient certainement ceux que je souffrais le moins. Mais j'avais beau dire la vérité, je ne disais pas toute la vérité... La première chose qui me poussait à venir ici chaque soir était mon pouvoir, ou tout du moins ce que j'en faisais, et je savais qu'il le savait, qu'il le sentait. Il était trop souvent près de moi pour ne pas se rendre compte de ça... Heureusement qu'il ne se doutait pas de l'identité de celle à qui je m'accrochais -tout du moins, j'espérais qu'il ne s'en doutait pas-, car c'était quelque chose que je trouvais... Trop personnel... Cherchant à passer à autre chose, je me tournais complètement vers lui, les doigts et les jambes croisés, mes poignets contre mes chevilles.

-Mais toi, qu'est-ce que tu fais là ? Encore à me suivre ? Ou bien est-ce que tu as tout simplement besoin de les fuir toi aussi ?

Toutes mes questions s'étaient posées sur un ton enjoué, car à aucun moment je n'étais sérieux. Et puis, il fallait bien que je parle un peu plus avec lui, que je tente de me rapprocher de lui... Nous avions encore un long, très long chemin à faire ensemble, peu importait le sens... Un jour viendrait où nous pourrions enfin discuter des choses qui me préoccupaient... Oui, sûrement... Je l'espérais.

Besoin de souffler hein ? Riurik est peut être un homme à la mémoire sans fond et aux épaules assez larges pour porter tout un peuple ! Mais pour mentir il n'est pas bien doué. S'il s'entête à ne rien vouloir me dire alors je ne lui demanderais rien, chacun doit faire un choix dans sa vie et il semble avoir fait le sien, qu'importe ses virées nocturnes, ses petits secrets, je le suivrai jusqu'au fin fond des enfers s'il me le demande. Cependant, il faut avouer que cette horde de vieils hommes tous plus aigris les uns que les autres, aux principes dépassés et à la vision terre à terre pourraient à eux seuls mettre en déroute toute une flotte de pirate rien qu'en pointant le bout de leur nez. Discuter, Discuter et discuter c'est tout ce qu'ils savent faire, demandez leur de lever un sabre d'assaut et ils vous diront que ce n'est pas leur rôle ! Ils complaisent dans leurs petites demeures sur la terre ferme et oublient les préceptes même du Draknar amoureux des mers et grand navigateur ! Je les supporte tant bien que mal, mais leurs attitudes, leurs insignifiants débats et leurs luttes intestines m'insupportent, cette bande de vieux fous mènent la vie dur à Riurik et son excuse pourrait tenir la route si c'était un autre que moi !

- Je te comprends, je me demande même parfois comme tu fais pour survivre au beau milieu de toute cette paperasse et ces jacassement de vieils hommes ! J'abandonne l'idée de te surprendre, du moins pour l'instant, je trouverais bien une manière de te faire sauter au plafond avec un simple «bouh» prochainement !

J'espérai détendre un peu l'atmosphère et le faire un rire un bon coup, histoire qu'il puisse mettre de côté sa vision et qu'il ne se perde pas trop. Soudainement, dans un revirement de situation inattendu, c'est le moins que l'on puisse dire, passant du penseur qui possède tout le poids du monde sur ses épaules au jeune homme plein de joie et énergétique qu'il est habituellement en un quart de seconde, me laissant quelque peu sans voix, je n'avais jamais vu quelqu'un changer si radicalement en l'espace d'une si courte durée ! Un petit sourire se dessina sur mes lèvres et j'écoutais ses questions tout en réfléchissant aux réponses que j'allais lui donner, j'optais pour la vérité sans pour autant lui dire quel était mon réel but, mais je ne pouvais surprendre et je suis certain qu'il était au courant de mes intentions en venant ici, sur le même ton enjoué que le sien...

- Je viens te coller à la peau comme la parfaite sangsue que je suis, mais aussi pour fuir tes plus grands ennemis les conseillers, et puis me changer les idées aussi, histoire de garder la tête sur mes épaules et d'oublier un peu mes rêves insensés ! Je serais bien allé fêter cette belle nuit de pleine lune dans un bar, hydromel dans mon verre, mais j'ai aperçu l'un de tes conseillers dans mon bar préféré et les autres ne sont nullement à mon goût, alors me voilà !

Le pire ce que c'était une vérité qui a gâché ma soirée. Un peu plus tôt dans la soirée je revenais de chez mon oncle, des histoires de famille à régler... Et en voulant entrer dans un bar où la majorité des marins viennent se poser -vu qu'il se trouve non loin des quais- je vis un vieil homme reconnaissable parmi tous entrer dans le bar et quatre Draknars sortir à vive allure du bar, apparemment eux aussi l'ont reconnu. Les vieux grincheux ne se refusaient pas une petite soirée bien arrosée si je comprends bien, m'enfin je ne vais pas les blâmer, ils sont dans leur droit je vous l'accorde, mais boire en leur compagnie aurait tout simplement coupé mon désir de boire et de passer une soirée digne d'un Draknar ! Je côtoie ces vieux idiots chaque jour et les seuls moments de la journée où je pourrai un peu souffler, il faut qu'ils viennent se poser sur mon chemin, je les hais, tous autant qu'ils sont... Encore une fois je me demande comment Riurik fait pour ne pas perdre les pédales avec pareils conseillers, ils seraient prêt à s'entretué pour un oui ou un non, je m'incline chaque jour devant la performance de Riurik qui malgré les assauts répétés semble tenir bon !

Maître des Draknars Messages : 139 Date d'inscription : 07/08/2009

Il semblait bien que les vieux conseillers nous portaient à tous sur les nerfs, et que personne ne pouvait les supporter. Il faudrait à un moment ou à un autre que je revois ça, que je choisisse moi même ceux qui m'apporteraient leurs idées, ce qui n'avait pas été le cas. J'avais hérité de mon père, en plus de mon titre, le droit de les avoir constamment sur le dos, ce qui n'était réellement pas un cadeau de sa part... Un jour, quand j'y penserai, je flanquerai les vieils avares à la porte et irai chercher quelques pirates ayant la tête sur les épaules, le sens du devoir -qui nous était commun à tous- et quelques idées qui nous permettrait d'avancer. Car ce n'était pas avec les conseils de ces idiots que je ferai quoi que ce soit de censé, si je me contentais de les écouter.

Riant doucement à ce "malheur" qui nous était commun depuis qu'il était mon garde rapproché, je repensais à ce qu'il venait de dire. Il était Draknar, et cela se voyait, s'entendait, se sentait. Rien que le rapport à la taverne et à l'hydromel agissait comme une marque indélébile et bien voyante sur laquelle se lisait "pirate" ! Mais, depuis combien de temps n'étais-je pas passé au Loup d'Argent, pour une autre raison que pour récupérer des informations ou en donner ? Trop longtemps, à mon goût... Mes lèvres n'avaient pas touché de l'alcool, ne serait-ce que brièvement, depuis des semaines. Je n'avais serré de chope dans ma main depuis au moins autant de temps, ne serait-ce que pour l'avoir entre les doigts. Comment en étais-je venu à cela ? Comment étais-je arrivé à ce résultat ? En un sens, j'étais totalement exploité. Entre le conseil qui n'allait pas tarder et qui me demandait un résumé de tout ce qui s'était passé, sans la moindre exception; tous les échanges commerciaux avec la terre ferme et l'Océan; toutes les cérémonies, dont celle de la majorité, qu'il fallait mettre en place; je n'avais plus un seul instant pour moi, mise à part la nuit, que j'utilisais d'une manière inconsidérée et en un sens totalement stupide -si je voulais la voir, il me suffisait de lui demander... Mais si on me laissait faire, alors je ne la laisserai plus partir-... J'avais besoin de prendre l'air, de quitter l'île un moment, de revoir le monde... Mais je n'avais pas le temps.

Pourquoi l'Homme restait-il toujours bloqué à cause du temps ? N'y avait-il donc aucun moyen d'y échapper, rien qu'un instant ? Non, nous serions encore et toujours obligés et forcés de nous plier devant les secondes, les minutes, les heures qui avancent... C'était dans ce genre d'instants que je regrettai le passé, l'enfance durant laquelle je n'avais pas conscience de tout ça. Mes parents me couvaient tellement, même quand ils m'inculquaient les bases de mon devoir, que je ne réalisais pas vraiment ce que tous appelaient la "réalité"... Alors, maintenant que j'étais adulte et que je m'étais rendu compte de tout ce qui faisait de la vie ce qu'elle était, je me demandais si m'endormir pour rêver à nouveau de ce temps "béni" n'était pas une bonne idée. Pourtant, c'était comme une sorte de fuite, et je détestais cela...

Me rendant compte que j'avais commencé à philosopher tout seul et en silence, je clignai deux-trois fois des yeux, revenant au monde qui m'entourait. Même si le silence qui régnait pendant quelques secondes était agréable -cela changeait de la journée et de son brouhaha perpétuel- et qu'il s'accordait à merveille avec la majesté de ce qui se trouvait devant mes yeux, luisant sous l'éclat argenté de la lune, j'étais certain qu'il valait mieux dire quelque chose. Non, pas qu'il le valait... J'en avais envie, en réalité...

-Dis moi Valde... Tu m'as parlé de tes rêves à l'instant... Quels étaient-ils ? Quels sont-ils s'ils existent aujourd'hui encore, ou s'il y en a d'autres... ?

Cette notion de rêves, d'envie pour le futur, m'était totalement inconnue... Depuis tout jeune, j'avais compris ce qui m'attendais, et n'avais jamais songé à devenir quelqu'un d'autre... Je n'avais jamais voulu quoi que ce soit d'autre, jamais désiré vivre un autre destin que celui qui avait été tracé pour moi avant ma naissance. Alors, entendre quelqu'un me parler de ce qu'il désirait me ferait du bien, m'aiderait à comprendre... J'en avais besoin. Juste un court instant, imaginer un autre endroit que celui-ci, une autre vie que celle-ci...

La question me surpris, mes rêves ? Ceux qui depuis ma plus tendre enfance ne verrèrent jamais le jour, qui n'avaient jamais intéressé quiconque, tout ce qui intéressait les gens qui m'entouraient c'était si je devenais un bon rempart contre toute attaque, ma vie était dévouée à ça, être le bouclier de celui qui le voudrait ! Je restais sans voix, sa question était inattendue et tout bonnement surprenante, j'en perdis le fil de la conversation, plongé dans mes pensées. C'était la première fois que quelqu'un me posait cette question et j'avais tant à dire que je ne savais plus par où commencer, mes rêves étaient sans limites, mais tous plus irréalisables les uns que les autres. Certes cela faisait plaisir que l'on veuille en parler, mais là au fond, la tristesse de ne jamais pour amener à terme au moins l'un d'entre eux était pire que la solitude ou encore que cette frustration d'avoir tué mon père... Physiquement présent mais mentalement ailleurs, Riurik allait finir par sentir délaissé si je ne refaisais pas surface dans la seconde qui suivait. Je prenais un grand bol d'air et me décidait à tout lui raconter, après tout la base d'une bonne amitié c'est la confiance en la personne qui se tient devant nous !

- Hé bien, j'ai toujours été amoureux de la lecture ou encore de l'écriture, mon rêve le plus absurde serait de partir à l'aventure aux quatre coins du monde et écrire, écrire contes et récits fantastiques, légendes et mythes inédits ! J'ai besoin de cette dose d'aventure intrépide, rester là sur le sol du dragon d'argent et n'avoir la possibilité qu'une fois ou deux par-ci par là de partir en mère ne me rassasie nullement. J'ai besoin d'aventure Riurik, besoin de belles nuits sous la voute stellaire, besoin de rencontres et dures batailles, besoin de sentir que je vis, j'ai besoin d'aller voir au-delà de nos frontières de découvrir ce qui s'y cache et peut-être trouver celle qui m'attend... Tu vas peut-être me dire que ces rêves sont irréalistes, ou encore qu'en tant que Draknar c'est sur les mers que je dois me trouver, ou peut être que tout ça n'est qu'un rêve enfantin, mais si c'est bien le cas je ne m'explique plus pourquoi le sang qui coule en moi bouille quand j'entends de si de là les aventures de certains, les rencontres d'autres, je ne m'explique plus cette excitation grandissante quand je pense aux lointains pays qui se cache au-delà de nos brumes !

J'étais en détresse, tous ces rêves insensés me dominaient, m'envoûtaient, je ne trouvais plus la porte de sortie et mourait à petit feu quand j'entendais parvenir à mes oreilles que tel ou tel nation avait fait ceci, que tel homme avait réussit tel exploit, le monde est si vaste, mais je n'ai à ma porté que cette île, que j'aime certes, mais qui est loin de me satisfaire. Il y a là au fond de moi un trou béant qui ne peut-être combler, l'hydromel ne fait que le renforcer, la fureur de la fête ne fait que le rendre plus immense. Au fil des jours, au fil des semaines, des mois, des années cette envie devient plus grandissante, mais je ne peux trahir les miens et partir aussi simplement. Cela ne fait que 2 ans que je suis majeur, peut-être est-ce dû au fait que je n'ai pas encore affronté les obstacles de la vie, mais ce désir ardent d'aventure est de plus en plus grandissant. Je retourne mon attention à Riurik essayant d'effacer mes incertitudes, ma tristesse et mon désir débordant et lui reposa la même question. Quels pouvait bien être ses rêves à lui qui était né pour gouverner ?!

- Et toi ? Quels sont les tiens ? Quels sont les rêves qui te feraient remuer ciel et terre pour te rapprocher un peu plus de la possibilité de les réaliser ? Parle sans crainte, je ne suis qu'un simple garde rapproché, mon rôle n'est pas de t'espionner, mais de suivre jusqu'à la mort, alors autant savoir tout de nous deux !

J'avais pris en confiance, j'étais certain que Riurik est moi pouvions devenir de grands amis, peut-être pas les meilleurs, mais assez pour rendre nos jours ensemble agréables et bien plus que vivables ! Que l'on pourrait se soutenir et se serrer les coudes dans les moments difficiles. J'étais peut-être un peu présomptueux, mais bien qu'il soit maitre c'était un homme avant tout ! Et entre frère, entre Draknars, on se soutient jusqu'à la mort ! Si l'un d'entre nous tombe, on le relève au péril de notre vie, si l'un d'entre nous s'effondre sous les coups, on l'aidera sans faire passer nos intérêts avant sa vie, lorsque l'un d'entre nous meurt, nous faisons voir l'enfer à celui qui a osé lui donner le coup de grâce. Tous liés par les liens du sang, tous fils et fille de Lyrael !

Maître des Draknars Messages : 139 Date d'inscription : 07/08/2009

Écrire... Je n'avais jamais songé à une telle chose. Son plus grand rêve était de voyager à travers le monde, de narrer tout ce qu'il y voyait, de créer contes et légendes, récits et tout autre style de livres qui permettaient de s'évader d'un quotidien monotone... Moi j'avais déjà traversé les terres d'Ulgarnar un bon nombre de fois, mon rang de maître m'y obligeant, mais je ne m'attardais jamais en un seul et même lieu, peut-être à l'exception d'un seul. Je n'y voyais pas l'intérêt, ma vision floutée par mes devoirs ne captaient plus la beauté des lieux que je traversais... Valde le pouvait encore, et je savais que quand il poserai enfin un pied sur les terres qui lui étaient inconnues, il serait satisfait pendant un bon moment... Je me demandais pourquoi il ne le faisait pas, pourquoi il n'allait pas trouver ce qu'il désirait tant. Et puis, je me rendis compte que son destin était de rester avec moi, tout comme le mien était d'être à la tête de tout un peuple. Parce qu'il était né dans une famille de gardes rapprochés, il ne pourrait jamais faire ce à quoi il aspirait... Et ça, c'était moche. J'avais l'impression d'être fautif, d'être responsable de ces rêves brisés... Il faudrait un jour ou l'autre que je remédie à cela. Une idée germa dans mon esprit. C'était quelque chose d'encore peu clair, mais cela pouvait fonctionner. Oui, ça pourrait sûrement marcher.

Alors que je réfléchissais, je remarquais qu'avoir parlé de tout ça l'avait mis dans une sorte de transe, qu'il s'était totalement laissé emporter par ce flot d'envies. Ses motivations étaient plus que certaines, et pourtant, il ne pouvait ne serait-ce que toucher du bout des doigts ses rêves. Pourtant, il ne semblait pas laisser tomber cette idée d'un jour partir loin d'ici pour écrire. Tout cela se décelait dans ses expressions, ses paroles, et me faisait sourire. Puis il finit par me retourner la question. Un voile sombre se posa sur mon visage, et toute lueur dans mes yeux avait disparue. Remuer ciel et terre pour quelque chose... J'aurai tout fait pour mon peuple, pour ma famille, pour tous mes frères... Mais là, c'était mon rôle, et même si cela faisait partie de mes désirs, cela ne concernait pas que moi. Alors ça ne faisait sûrement pas partie de ce qu'il entendait par "mes rêves"...

-La réponse peut sembler étrange, mais... Je n'en ai pas... Je n'en ai même jamais eu... Mon enfance a été bercée d'apprentissages qui ne m'ont jamais laissé le temps de penser à autre chose. Ma vie est ici, auprès de nos semblables... Alors à quoi bon avoir des rêves ?

A cet instant précis, je me rendis compte que mon discours était celui d'un homme qui ne rêvait pas car il s'était résigné à vivre sa vie comme il le devait, et non comme il l'espérait... Je pris conscience que même si je n'avais jamais rien envisagé, ce n'était pas pour autant que je ne pouvais pas le faire. C'était un véritable choc. Un changement dans ma façon de voir les choses. Seul, je n'aurai jamais réalisé ça. Et personne d'habitude ne prenait le temps de parler de ce genre de choses avec moi, ce qui n'avait rien arrangé. Oui, il avait fallu attendre cet homme pour finalement voir quelque chose d'évident.

Et, même si je n'avais jamais voulu autre chose, n'avais-je donc vraiment aucun rêve ? Rien pour lequel j'étais motivé, et uniquement pour moi ? Quelque chose que j'attendais, que je cherchais à atteindre ? Une image passa brièvement devant mes yeux, mais je ne savais vraiment dire si l'on pouvait désigner cela comme un "rêve"...

-Ou bien, peut-être que...

Niant doucement de la tête, je laissai tomber cette idée. De toute façon, même si je le voulais, je ne pourrai peut-être jamais l'avoir. Je n'avais plus qu'à attendre de voir comment avançaient les choses. Me lancer dans quelque chose dont l'issue était incertaine me faisait... Peur... Oui, j'avais trop peur d'échouer. En temps normal, je n'en aurai que faire, et tenterai le tout pour le tout... Mais là, je ne pouvais pas m'y résoudre. Il y avait quelque chose de trop important en jeu. Oui, j'étais prêt à "remuer ciel et terre" pour elle, mais pas dans des conditions comme celles-ci...

-Non... Aucun...

Une question me vint à l'esprit... J'hésitais quelques secondes, avant de finalement me lancer...

-Un homme sans rêves est-il vraiment un homme ? Est-ce qu'il peut ne pas avoir conscience qu'il en a ? Je me sens... Perdu vis à vis de tout cela. J'ai beau regarder encore et encore le monde qui m'entoure, il y a encore des choses que je ne parviens pas à comprendre...

Il m'avait dit que je pouvais me confier, alors, autant en profiter, et délester un peu mon cœur du poids qui l'oppressait...

J'avais touché une corde sensible, son visage retomba dans cette noirceur, cette tristesse indéchirable. Il n'eut pas besoin de parler pour que je comprenne ce qu'il allait dire, bien que nous ayons eut des enfances plus ou moins similaires j'avais réussi à trouver une chose pour laquelle je me dévouerais corps et âme s'il le fallait, c'était ma marque de liberté, l'écriture avait toujours été pour moi un moyen de m'exprimer, d'envie pourvoir vivre ma vie comme je le voulais et non comme d'autre l'avait décidé. C'était pour moi un moyen d'enfin pouvoir m'exprimer de dire ce que je pense, de faire ce que je sens et non d'être soumis à une quelconque autorité quel qu'elle soit ! Je n'avais que ça pour moi, uniquement ceci pour enfin me sentir moi-même et non quelqu'un d'autre. Riurik lui c'était tout simplement laissé soumettre au désir des autres et n'avait ainsi jamais put réellement vivre pour lui, c'était une vie par procuration qu'il avait, il vivait par l'intermédiaire du désir des autres, à travers cette avenir qu'on avait forgé à sa place.

- Un rêve n'est pas une chose que l'on décide d'avoir, il vient à nous avec le temps... il est là sommeille au fond de nous et attends le bon moment pour être réveillé, tu ne devrais pas te sentir perdu, pense simplement à ta manière et non comme d'autre aurait voulu que tu le fasse, laisse cinq minutes Riurik le chef des Draknars et pense comme Riurik le Draknars ! Oublie ce que tu es quelque instant et laisse tes pensées voguer ici et là et ça viendra comme une gorgée d'hydromel un soir d'hiver !

En parlant d'hydromel j'étais bien décidé à le faire changé d'air, à cette heure-ci les derniers bars de la ville devaient encore accueillir les derniers marins débarquant de leurs périples, pour tout dire les bars ne fermer presque jamais, l'hydromel coulé à flot jusqu'à pas d'heure. Riurik aurait le temps de penser à tout ceci un autre jour après tout, il avait encore beaucoup à vivre et encore plus à découvrir, nous étions sur le même bateau, une longue vie se tracer devant nous et bien des choses pouvaient arriver du jour au lendemain. Lentement je me relevais et tendais ma main vers Riurik...

- Aller lève toi ! Allons oublie un peu ses histoires de rêve et autre, un jour viendra où tu en aura un et qui sais peut-être que ce rêve mèneras les Draknars vers un monde meilleur, vivons et avançons coude à coude vers notre lendemain, je serais là pour toi, une citadelle imprenable qui te défendra jusqu'à la mort. Au fil du temps nous finirons par comprendre la raison de toute notre existence, mais pour l'instant oublions nos rêves pour le bien-être des nôtres et espérons qu'un jour viendra le moment où nous pourrons assouvir nos désirs, jusque là, vivons, buvons, mangeons et marchons ensemble vers notre lendemain !

Je ne sais pas de quoi pourrais bien être fait ce fameux lendemain, mais une chose était sur plus le temps passera, plus notre amitié grandirais, nous étions dans une situation similaire et à un moment ou à un autre lui comme moi auront besoin d'être soutenu et quand le moment viendra pour nous de réaliser nos rêves, qui sais nous pourrions peut-être marcher sur les mêmes sentiers ensemble. Qu'importe l'avenir, nos chemins étaient étroitement lié ! Quoi qu'il en soit je commençais à avoir des fourmis dans les jambes, s'il ne se levait pas rapidement on serait obligé de m'amputais, allez Riurik fait vite, je commence à avoir mal aux jambes !

(dsl princesse baisse d'inspi =S)

Maître des Draknars Messages : 139 Date d'inscription : 07/08/2009

Je l'écoutais, le regard dans le vide, buvant la moindre de ses paroles... Penser comme "Riurik, l'homme", et non comme "Riurik, le souverain"... En étais-je seulement capable ? Etait-ce seulement envisageable ? Tant de choses me maintenaient dans mon "moule", tant de choses qu'il fallait prendre en compte, que je pouvais pas laisser de côté. Mon peuple était un ensemble qui avait besoin de moi, sans même le dire ou le penser. Je me demandais ce qu'il se passerai si un jour, j'en venais à renier mes pouvoirs en tant que chef, si je décidais de tout plaquer et de laisser tout le monde en plan... Je ne savais trop ce que cela donnerait, mais pendant un court un instant, l'idée m'avait plu. Mais je savais que c'était impossible... Pourtant, il y aurait surement, à un moment ou à un autre, un moyen quelconque d'alléger ma tâche, peut-être en me reposant sur les épaules de quelqu'un... C'était à voir, bien qu'en ce moment, je n'avais pas trop le temps d'y penser.

Valde avait fini par me convaincre d'attendre, et à me persuader qu'il ne fallait pas laisser tomber, mais qu'il fallait aussi que je réfléchisse de temps à autre pour moi, et non pour les autres. Un léger sourire se dessina sur mes lèvres, mais lorsqu'il se leva, puis me tendit la main, je le regardais sans un mot, les sourcils doucement froncés. Je n'avais pas tout de suite compris ce qu'il voulait, mais en fait, c'était plutôt logique. Je me disais alors que sortir un peu de la demeure ne me ferait pas de mal, et que je pouvais bien, un instant, prendre un peu de temps pour me détendre un peu, souffler... Pourtant... Pourtant, il aurait été plus simple de rester là, près du lac, à me morfondre encore et encore... Je devais en avoir tellement l'habitude qu'envisager un instant autre chose me paraissait farfelu. Très clairement, je commençais vraiment à perdre la tête... Saisissant sa main, je me relevais avec difficulté, mes membres engourdis à force d'être resté assis depuis trop longtemps. Après un soupir une fois debout, je passais une main dans mes cheveux, y remettant un peu d'ordre, puis récupérai la chemise qui était toujours dans l'herbe. La fixant quelques secondes, je me demandais si la mettre sur mes épaules était une bonne idée, étant donnée qu'elle était trempée. Attraper un rhume, ou me promener en ville torse nu ? Bon, nous étions des pirates, ça ne choquerait personne, normalement... Enfin, de nuit tout de même... La passant derrière une épaule, je décidais de rester ainsi le temps qu'elle soit sèche, l'air ambiant plutôt doux finirait bien par y parvenir...

-Bien, allons-y alors !

Commençant à m'avancer, je me tournais vers lui, lui souriant franchement. Il y avait certainement quelque chose entre nous qui pouvait être exploité, quelque chose de grand, quelque chose de solide, de durable, quelque chose d'important... Il ne tenait plus qu'à nous de s'arranger pour que tout cela grandisse, prenne de l'ampleur... Tandis que je recommençais à marcher, je levai la tête vers le ciel étoilé sans nuages, puis pris la parole d'un ton joueur.

-Tu pense qu'on trouvera qui dans les bars ? Ça peut-être marrant de voir qui y traine encore ça cette heure-ci !

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